HISTOIRE ET PATRIMOINE RURAL BÂTI

- RÉSUMÉ -

 

 

 

  Le Patrimoine est ce qui subsiste de visible, de palpable, de concret de l’Histoire. Si on veut le comprendre, le conserver, le respecter et le mettre en valeur, il est indispensable de connaître au moins dans ses grandes lignes, sa raison d’être et son histoire.

 

Brève histoire rurale de La Chapelle sur Erdre

 

L’histoire de La Chapelle-sur-Erdre jusqu’à la fin du Moyen Âge est mal connue. On y a trouvé des vestiges de la préhistoire (pierres polies du néolithique, ustensiles divers) au Saz et à la Babinière qui révèlent une implantation humaine très ancienne. On sait que des armées romaines y ont séjourné et établi un camp militaire, qu’un axe sud/nord était utilisé dès cette époque. Au début du Moyen Âge, la construction de la Chaussée Barbin, en amont de l'actuel pont de la Motte-Rouge a rendu l'Erdre navigable de Nantes à Nort sur Erdre, entraînant ainsi la mise en valeur des bords de la rivière et de ses affluents. Puis des moines se sont établis aux onzième et douzième siècles, pour soigner les populations ou les pèlerins (à l’Hôpitau) et pour développer l’agriculture et contribuer à l'approvisionnement de Nantes toute proche, comme à l’Angle-Chaillou et à la Verrière. On peut présumer que sont arrivées il y a longtemps, par l'Erdre, des familles de colons nantais, s'installant progressivement sur ses rives (Grimaudière, Cotalard, Portric, Gandonnière...), sur celles du Hocmard (la Bouillonnière, Mouline) et du Gesvres (aux Cahéraux, à la Verrière, à la Vrière) ... Ces colons se sont organisés en communautés villageoises, ont défriché ensemble les forêts, les ont mises en culture.

 

 

L''Erdre à la Gandonnière. Le port de la Gandonnière était autrefois très actif. Par exemple, le 9 février 1662, devant Me Béru, notaire à Nantes, Olivier Bodin, (laboureur, frairie de Mouline) s'engage à livrer en ce lieu, à Michel Fauveau (marchand, demeurant port de Barbin à Nantes), vingt mille fagots, soit 10000 avant Pâques et 10000 avant fin mai 1662, au prix de 10 livres et 10 sols les 1000. (source : Jacques Rouziou). Cette livraison considérable - même pour notre époque - qui représente au moins 2000 mois/homme de travail a certainement été faite via le Hocmard.

 

La paroisse s'est constituée au douzième siècle, avec une église sur le lieu destiné à devenir 6 à 7 siècles plus tard... le bourg. Elle s’est ensuite agrandie vers le sud par ajout d’une partie de celle de Saint Donatien. Ce n'est qu'à partir du 14ième siècle que la féodalité se structure comme organisation économique et sociale. La première seigneurie : la Gascherie, est fondée par un riche négociant nantais, par ailleurs percepteur et trésorier de François II.

Puis de nouvelles seigneuries de plus petites dimensions s'installent. Au 16ième : le Saz, la Bérangeraie, la Pannetière ; Au 17ième : la Gandonnière, Cormerais, la Rablais, le Bouffay, la Coutancière, le Tertre, la Ganrie, la Rue, Lépau.... Soit une bonne douzaine de propriétés d'environ 600 hectares en tout ( 20% du territoire communal actuel) constituées d'une maison noble - un manoir remplacé plus tard par un petit château - et de terres alentour exploitées en métayage. Les paysans qui les mettent en valeur sont appelés métayers.

Ces seigneurs, des bourgeois anoblis - voire auto-anoblis - plutôt que des aristocrates, celui de la Gascherie et les autres ainsi que leurs métayers sont loin d'occuper tout le territoire de la Paroisse. Les petits colons nantais qui ont remonté l'Erdre et qui se sont installés bien avant eux continuent de défricher, grignoter, défendre, mettre en valeur collectivement leur territoire. Ils construisent des logements, sommaires au départ puis en dur ensuite.

Les paysans c'est-à-dire les métayers rattachés aux 'maisons nobles' (seigneuries) et les autres, les bordiers des villages tels ceux de la Mirais, Mouline, la Haie, Cotalard.... ont pendant longtemps représenté 80 à 90% de la population chapelaine. Au 18ième siècle, les 3/4 de la commune étaient déjà mis en valeur (en y incluant les bois et taillis exploités d'une façon intensive). En 1750, les grandes productions étaient les cultures vivrières, le bois de chauffe pour la cuisine[1], la vigne, l’élevage. Les métayers qui sont généralement issus de la caste des bordiers (des villages) sont durement exploités par la petite noblesse. Toutefois, la pression sociale, économique, psychologique qui s'exerce sur eux va se relâcher à partir du 19ième lorsque les revenus non agricoles des propriétaires bailleurs augmenteront.

 

Suite à la Révolution, on assiste au 19ième à des bouleversements structurels significatifs. Les fonctions d'administration de la Paroisse sont dévolues à la Commune. Les mentalités changent. Les valeurs communautaristes qui caractérisaient les villages reculent petit à petit. L'individualisme progresse. Mais des pratiques communautaires perdurent jusque dans les années 1950 (exploitation des marais, battages en commun, utilisation des fours...).

    La mise en valeur des dernières landes s’accélère grâce à leur privatisation (partage ou achats des communs)[2] et l’apport de capitaux extérieurs qui financent les derniers défrichements et la construction de nouveaux sièges d'exploitation sur des structures agraires plus productives. Un grand domaine se renforce économiquement et politiquement : celui de la Gascherie. Il représentera près du 1/4 de la surface de la commune. Les nouvelles exploitations sont des métairies, à bien distinguer des borderies.

La commune se désenclave au cours de la décennie 1850 grâce à l’arrivée du chemin de fer et la construction de la route vers Nantes et Sucé par les ponts du Nay et de la Verrière. Le bourg se construit, s'organise et devient centre économique, administratif et culturel.    Néanmoins la commune restera très agricole pendant longtemps puisqu’entre 1851 et 1965, prémices de son urbanisation rapide, le nombre d’exploitations ne passe que de 326 à 172 après avoir culminé à 332 en 1901.

 

 De l’Histoire au Patrimoine

 

Le patrimoine rural bâti s’est constitué progressivement sous trois formes bien adaptées aux conditions technico-économiques de l’époque (structures agraires, matériaux de constructions disponibles, moyens financiers, moyens humains), aux besoins qu’il devait satisfaire, aux fonctions qu’il devait remplir (logement des hommes et des animaux, stockage des récoltes et du matériel voire lieu de travail permanent pour les artisans et commerçants) :

-  d'abord sous forme de borderie des 12 et 13ième siècle jusqu’à la fin du 19ième,

-    parallèlement sous forme de métairie du 16ième jusqu'à 1935, date de construction de la dernière métairie (à la Croix de Pierre),

-  avec le développement d’un habitat bourgeois ensuite à mesure que la société rurale se diversifie et qu'apparait une caste de riches, caste constituée notamment des "petits seigneurs" qui s'enrichissent principalement - voire essentiellement - à partir des activités industrielles, commerciales, libérales ou financières qu'ils exercent en majorité à Nantes.

 

            Au terme de cette évolution on aboutit ainsi vers le milieu du 20ième siècle (1960), avant la phase d’urbanisation moderne, à plusieurs types de maisons rurales caractéristiques : des borderies, des métairies et des formes intermédiaires (maisons d'artisans, de commerçants, d'ouvriers.....). Les borderies sont de petites exploitations et les maisons des bordiers sont de petite taille, souvent accolées en longues bandes et toujours groupées en village,

 

 

La borderie (ici à la Haie) est un type d’exploitation agricole où le siège de l’exploitation est éloigné des terres. Celles-ci sont dispersées sur le territoire cultivé dans des gagneries dont l'ensemble constitue un finage[3]. L'habitat est groupé. Le bordier est un paysan 'libre' propriétaire du foncier et du capital d’exploitation (animaux/matériel). C'est le faire valoir direct.

 

Les métairies, par contre, sont proches des maisons des 'maîtres', au moins dans le cas des petites seigneuries, avec ce que cela implique comme contrôle et coercition de la part du 'patron'. Elles ne sont pas rassemblées en villages. Les terres cultivées sont groupées, proches des bâtiments et plus vastes que celles des borderies[4].

 

 

Belle métairie des Clouis, construite vers 1850 par la famille Poydras de la Lande (la Gascherie). Elle a été implantée pour mettre en valeur les dernières landes de la commune. On note l'importance du bâtiment et la qualité des matériaux (tuffeau pour les linteaux) ainsi que le souci de fournir du confort et un statut au fermier. Nb : dès l'origine, ces métairies ont été des fermes.

 

 

Les maisons de commerçants, artisans, journaliers agricoles, comme le montrent les deux photos ci-après, se distinguent des maisons des paysans par l'absence de bâtiments d'exploitations (remises, étables) et par leur aspect moins statutaire - au moins dans le premier cas - lié aux différences de revenus. Mais techniques de construction et matériaux utilisés sont les mêmes.

 

 

Dans les campagnes, jusque vers 1960, on emploie des domestiques  agricoles (hommes et femmes). Ils logent souvent dans des maisons individuelles (de villages), ou chez leurs parents. Certains des domestiques, ceux des métairies, étaient logés par l’employeur.

(Ici à la Mirais)

 

 

 

En 1960, comme à la Brosse (forge de Victor Clouet et épicerie de sa soeur Antoinette), on trouve encore dans les campagnes des artisans (forgeron, charron, tonnelier, couvreur….) et des commerçants (épiciers par exemple). Leurs maisons se distinguent des précédentes par la nécessité de disposer de locaux adaptés à la fonction : atelier, magasin… Elles se distinguent aussi, notamment de celles des ouvriers agricoles par leur taille : nombre de pièces, dimensions, architecture, distinction témoignant d’un statut social supérieur. A partir de 1850, ces maisons se concentrent dans le bourg qui affirme de plus en plus son statut de centre de la commune.

 

Conséquences en termes d’implantation et d’architecture

 

Il est évident que plus on remonte dans le temps, plus la maison rurale était rudimentaire, basse de murs (pour utiliser moins de pierres), couverte en roseaux, avec un foyer central et une cheminée. Ces formes de bâtiment ont subsisté par-ci par-là dans la commune jusqu’au milieu du 20ième siècle mais il ne s’agissait plus alors que de granges. Ces bâtiments très anciens présentaient beaucoup d’avantages : notamment celui d'utiliser des matériaux bon marché, disponibles sur place et apportant une bonne isolation contre le froid et la chaleur mais aussi avec des inconvénients comme la faible durée dans le temps des toitures (une dizaine d'années contre une centaine pour les ardoises...). C’est pour cela que les formes qui ont perduré dans le temps sont les bâtiments bien maçonnés et couverts en ardoises. Ils sont relativement récents.

 

On peut identifier quatre phases dans l’évolution de ces maisons paysannes, phases correspondant à l’évolution du nombre d'exploitations et du mode de production agricole et au cours desquelles on est passé de micro-borderies de quelques dizaine d'ares, à la multiplication des borderies et métairies sous l'effet de la croissance démographique, pour finir par la grande métairie d’une cinquantaine d’hectares du milieu du 20ième. Toutefois il faut rappeler qu' en 1965 on comptait encore à La Chapelle, 23 borderies de moins de 5 hectares, surtout situées dans quart sud-est de la commune (Source : Répertoire des Exploitations Agricoles).

 

- phase 1 : aux origines, les premières borderies. La maison est maçonnée (pierres et argile). Elle se limite à une pièce, salle commune carrée de 25 à 35 mètres carrés, avec une porte pleine, une fenêtre à petits carreaux et une cheminée comme point central de la maison. La maison comporte un grenier au-dessus de la pièce de vie. Les annexes d’exploitation sont très réduites, il y a peu d’animaux. Le bois et la paille sont stockés à l’extérieur, sur une 'aire' située en face de la maison. L’espace entre les deux constitue la cour de l’exploitation. A l’arrière on trouve un potager. Puis une seconde borderie vient s'accoler...

- phase 2 : l'allongement de la bande de maisons. Les besoins de bâtiments augmentent :

- besoin d’agrandissement du logement pour les nouvelles générations,

- croissance démographique, extension des défrichements, installation de nouveaux exploitants,

- besoin de bâtiments en dur pour les animaux car l'élevage et la traction animale se développent, ainsi que pour stocker le matériel notamment viticole (il y a de plus en plus de vignes).

Une seconde voire une troisième maison vient se coller à la première par les pignons et ainsi de suite jusqu'à 6 parfois (à la Haie par exemple). Cette formule permet d’économiser les matériaux, de diminuer les coûts de construction et de limiter l'emprise sur les terres arables. La cour devient commune aux trois maisons, elle constitue le passage de desserte, elle devient 'la rue'. Ce terme de rue va se substituer au terme de cour. Quand on construit 'l’écurie' (c'est-à-dire l’étable), on ménage une porte de communication entre les deux pièces.

Les maisons en bande sont construites sur des communs (des communs dits de village que l'on s'approprie à cette occasion). Encore aujourd’hui, il est facile d'identifier ces maisons et de les compter simplement en repérant les cheminées.

- phase 3 (19ième) : la construction en bande trouve ses limites pour des raisons techniques (impossibilité de s‘agrandir sauf à repousser les voisins) et juridiques (privatisation progressive des  communs surtout après la Révolution). Des bordiers 'à l'étroit' ou de nouveaux bordiers qui s'établissent, construisent alors des borderies isolées (mais toujours dans le village), ce qui laisse beaucoup plus de latitude pour faire évoluer l’habitat et les bâtiments d’exploitation. Ceci facilite également la cohabitation des générations, le logement des domestiques, la construction de bâtiments agricoles…

- phase 4 : c’est le développement de la métairie, à partir des 17/18ième et première moitié du 19ième siècle. On a vu qu'elle présente par rapport à la borderie des différences fondamentales :

- d’abord, elle est située au centre des terres exploitées et donc près de la maison du propriétaire. C'est net dans le cas des petits domaines (cf : Coutancière, Bouffay, Pannetière....). La surface des métairies est de 2 à 10 fois plus importante que celle des borderies, les parcelles cultivées sont groupées et nettement plus grandes, les trajets terres/sièges d’exploitation sont plus courts. La productivité et la rentabilité de l’exploitation sont donc supérieures à celles de la borderie,

- ensuite les capitaux investis dans les bâtiments sont plus importants. Ils viennent de l’extérieur et sont apportés par le bailleur. C’est lui qui fait construire les bâtiments (maison du fermier et bâtiments d’exploitation),

- enfin le fermier lorsqu'il s'est affranchi du statut de métayer, se trouve déchargé de l’obligation d’investir dans le foncier. Il peut utiliser son revenu disponible (une fois le fermage payé) pour investir dans du matériel, des animaux de trait et améliorer ses conditions de vie.

 

Architecture et matériaux

 

Il n’y a pas recours à des architectes. L’architecture est vernaculaire[5]. Elle est strictement adaptée aux moyens disponibles, aux fonctions à remplir, aux valeurs des utilisateurs de la maison, par exemple dans l’ancienne civilisation paysanne aux valeurs d’entraide et de solidarité pour la mise à disposition du sol. Dans les villages, c'est la communauté qui 'donne' de fait le permis de construire, qui 'dit' où et 'montre' comment construire.

 

Le bordier chapelain construit souvent sa maison lui-même, avec l'aide d'un maçon professionnel, en utilisant les matériaux disponibles sur place. Les pierres, principalement du schiste, sont extraites des carrières voisines :

- de Mouline : la Charlière, le Tertre, la Hergrenière, le bas de Noy (au-dessus du ruisseau dit le Rupt), la Combe (au-dessus du Hocmard)

- de la route d'Orvault (dans les virages avant la traversée du Gesvres)

- des Cahéraux

Souvent les maisons anciennes servent de carrière, car elles sont faciles à démolir et à recycler. Ceci explique que des habitats anciens, voire des hameaux, n'existent plus que sur le papier des anciens cadastres. C'est par exemple le cas de 'la Honterie", ancien lieu-dit de Mouline. Ce recyclage diminue sensiblement le coût et la pénibilité de la construction car le transport des matériaux est difficile à cette époque où l'on ne dispose que d'attelages de vaches. Mais il efface les traces de l'habitat très ancien et il tend à nous faire paraître l'implantation des villages bien plus récente qu'elle n'a été certainement en réalité.

Les murs sont maçonnés en argile. Argile provenant parfois (au 19ième) du creusement du puits de la future maison. Celui-ci fournit donc l'eau et le mortier. A l'origine les enduits étaient également en argile puis ils ont été remplacés par un mélange de chaux et de sable (matériaux importés de l'extérieur). Les fondations sont faibles. La composition du mortier est pauvre. Les murs sont épais. Le bois utilisé est surtout du chêne plus ou moins bien déligné pour les charpentes (fermes et pannes) et du châtaigner pour les chevrons. Les sols sont en terre battue.

 

Les ajouts de corps de bâtiments supplémentaires allongent la maison par les pignons ce qui leur confère cette caractéristique et cette dénomination de longère où l’on circule d’une pièce à l’autre en les traversant. (nb : ce qui pose des problèmes d’utilisation à l’époque moderne, problèmes que l’on résout souvent en déformant l’architecture de la longère par adjonction de couloirs extérieurs disgracieux).

La surélévation de la toiture permet le dégagement d'un grenier de stockage des récoltes qui est directement accessible de l'extérieur par des ouvertures en aplomb des murs gouttereaux et qui descendent au ras du plancher du grenier. On les appelle 'lucarnes meunières'. Elles sont soit à 2 pentes et faîtière pour agrandir l'ouverture et permettre le passage d'un homme portant un sac debout, soit à une pente dans le sens de celle du toit. La forme des lucarnes donne un indication de l'époque de la construction. Jusqu'à 1850 environ leur toit est à une pente,  puis à deux pentes après cette date.

 

Les pignons sont généralement aveugles mais on trouve parfois des lucarnes en pignon avec un escalier en pierres. Souvent des appentis sont adossés aux pignons. Ils servent de remises. La maison est en général orientée nord/sud. La cave - équipement essentiel compte tenu de l'enjeu économique que représente le vin - se trouve côté nord sous un appentis prolongeant le toit. Enfin, autre annexe fondamentale, chaque exploitation possède 2 'soues à cochons' car le porc joue le rôle central dans l'alimentation de la famille.

 

Le métayer ne construit pas sa maison lui-même comme le bordier. Il n'est pas propriétaire. Quant il intervient, ce n'est qu'en tant que manœuvre venant en appoint des artisans qui travaillent pour son patron (le propriétaire), par exemple pour agrandir les bâtiments (nb : les contrats de métayage, de fermage ensuite, prévoyaient généralement cette obligation de travail d'appoint). Cette organisation et le fait que le patron apporte des capitaux permet d'utiliser des matériaux plus nobles (briques, tuffeau, poutres et chevrons en sapin bien délignés). Ce qui explique que la métairie est plus enjolivée que la borderie. C'est, au demeurant, un objectif recherché, celui d'exprimer le statut social du propriétaire.

 

 

 

 

La Charlière : ci-dessous, est un bel exemple d'investissement par un propriétaire riche et éclairé dans des bâtiments modernes. Vers 1870 on a rasé anciennes métairies et vieux manoir pour les remplacer en 1875, non seulement par un petit château digne des "folies" des bords de l'Erdre, mais aussi par une nouvelle métairie assortie à la maison du 'maître' et donc à l'architecture différente de celles des anciennes borderies et métairies.  On a utilisé les anciens bâtiments comme carrière... Cette métairie 'd'architecte' se différencie des métairies classiques par les entrées de la maison d'habitation percées dans les 'pignons sur rue'. Ce qui au demeurant est moins fonctionnel pour l'utilisateur car on a supprimé la cour de ferme... mais plus statutaire pour le propriétaire...

 

 

 

Confort

 

Ces maisons paysannes dont on vient de décrire brièvement les caractéristiques n’étaient pas confortables et même souvent insalubres. En hiver, l'eau remontait par capillarité dans les murs maçonnés en argile. Les maisons n’étaient pas chauffées. Parfois les animaux domestiques étaient en communication directe avec la partie habitable (ils cohabitaient quasiment ensemble à l'origine comme dans la crèche, autre terme utilisé pour désigner l'étable), ce qui permettait de maintenir au moins la maison 'hors-gel'. Il n’y avait évidemment pas d’eau courante ni de sanitaires. Souvent trois générations cohabitaient dans la (ou les deux) pièce(s) commune(s).

 

 

La cheminée était adossée à un mur pignon, Ses dimensions ne permettaient pas une bonne extraction de la fumée. Il fallait alors laisser la porte d'entrée entrebâillée pour l'évacuer. Ce qui a pu faire dire que les constructeurs de ces maisons ne maîtrisaient pas la technique de la cheminée, qu' ils ne connaissaient pas les normes à respecter pour un bon tirage. Mais il fallait que l'on puisse cuisiner debout ou légèrement courbé vers le chaudron, le grill ou la galettière. D'où la grande dimension de l'ouverture (réduite cependant par le "rideau de cheminée" en toile). Toutes les cuissons se faisaient au feu de bois, du bois souvent humide, car stocké à l'extérieur et donc au faible rendement énergétique.........

 

 

Conclusion

 

Les conditions techniques, économiques, sociales ont déterminé l'implantation, la conception et l'architecture des maisons rurales chapelaines, qu'elles soient maisons de paysans, de journaliers, d'artisans, de commerçants. Au fil de son histoire, ce patrimoine bâti n'a cessé d'évoluer. Beaucoup de ces maisons ont été agrandies, démolies, rehaussées, reconstruites, déplacées, reconverties.... Au début du 20ième siècle leur nombre était proche de 400.

 

Au cours des années 1950/1960, le patrimoine rural va connaître de profonds bouleversements. On remplace notamment les sols en terre battue par du béton ciré, on ferme les cheminées et, de la même façon que l'on remplace le mobilier traditionnel, trop 'rustique', par des meubles en formica pour 'faire moderne', on crépit les murs des façades et pignons avec un mortier de ciment pour cacher ces 'murs en terre' symbole de conditions de vie que l'on veut oublier. Pratique malheureuse qui nuit à la salubrité des murs et sur laquelle on revient actuellement.

 

Puis, à partir de la fin des années soixante, avec l'urbanisation rapide de La Chapelle sur Erdre,  beaucoup des 'maisons de village' prennent la forme de 'maisons de ville'. Elles sont alors transformées et aménagées pour répondre aux nouveaux besoins de confort : pièces plus nombreuses, plus vastes, plus lumineuses... Dans de nombreux cas les évolutions ont été pensées et réalisées avec la volonté de rappeler voire conserver l'identité de la maison originelle.

 

 

 

 

De la borderie de village à la 'maison de ville' :  à la Boutière et à Mouline

 

 

                                                                                      

 

 

 

 

 



[1] Au 18ième, le bois pour la cuisine était le second poste de dépense des ménages nantais après le pain. C'était donc une ressource significative pour les paysans défricheurs chapelains comme Olivier Bodin.

[2] On incite les communes à vendre les communs pour se procurer des ressources budgétaires.

[3] Une gagnerie est un champ ouvert divisé en parcelles culturales réparties entre toutes les familles du village. Les parcelles sont donc petites et en forme de lanières adaptées à la culture attelée. Cette structure agraire s'explique par les modalités des défrichements (voir l'article "Partage du domaine Terrien" Cahier N°2 de l'association). Fin 19ième, le bordier moyen exploite environ 5 hectares réparties en 20 à 30 parcelles dispersées sur un finage (territoire du village) de 100 à 150 hectares.

[4] la métairie moyenne mesure une douzaine d'hectares (également fin 19ième)

[5] "L’habitat vernaculaire a été lentement élaboré au cours des siècles, exécuté avec des techniques et des moyens locaux exprimant des fonctions précises, satisfaisant des besoins sociaux, culturels et économiques. Le terme de vernaculaire est consacré par l’usage dans le sens de ' propre au lieu'. Il est synonyme d’architecture dite sans architecte, spontanée, indigène, rurale, anonyme" (Sylvio Guindani : "Espaces ruraux et architecture vernaculaire...")